Le Sommet de Paris: un regard proposé par Levente Polyak
Dans le cadre du projet “Belleville vaut une Biennale” par Joanna Warsza
Dans sa distinction des espaces des lieux et des espaces des flux, Manuel Castells décrit Belleville comme un rare lieu identifiable: « Entre la maison et le monde, il y a un endroit appelé Belleville ». Belleville est un abri temporaire entre la maison et le monde : le quartier, qui a échappé à la fois à la restructuration haussmannienne et à la rénovation urbaine d’après-guerre, était depuis des générations une passerelle entre Paris, la France, l’Europe et le monde. Belleville est aussi le médium d’une communication intense avec des endroits lointains. Le quartier dispose d’une des plus fortes concentrations de téléboutiques en Europe ; dans les taxiphones, éparpillés dans le quartier comme des micro- télégraphes, les conversations relient Belleville simultanément à tous les autres continents.
Belleville a été relié au premier système de télécommunication du monde, le Télégraphe « proto-Internet, proto- taxiphone » de Claude Chappe. Le télégraphe aérien qui fonctionnait entre 1793 et les années 1840, est une phase particulière dans l’histoire des technologies de communication: alors que ce système était un pionnier de l’élimination progressive de la distance physique, sa logique de transmission était toujours fondée sur le contact visuel, en consistant en une succession de sémaphores installés au sommet des tours situées aux horizons des unes et des autres : dans l’intervalle de 6-12 km = 20 secondes. Les différentes positions des sémaphores correspondaient à des lettres différentes de l’alphabet ; ses contemporains ont vu dans ce ballet mécanique une chorégraphie de grands insectes artificiels – au service du pouvoir.
L’invention d’un nouveau système de langue par Morse a rendu la transmission aérienne obsolète: les stations de télégraphe sont descendues sous la terre, et les tours de Chappe ont laissé leur position optique hégémonique aux châteaux d’eau ; la force de la perspective a été remplacée par la force de gravité. C’est aux pieds de ces châteaux d’eau, au point le plus haut de Paris, que le pavillon du Télégraphe s’ouvre : ce qui était autrefois le nœud central du réseau télégraphe de Chappe est aujourd’hui un monument à la connectivité globale de Belleville.
The Pavilion of 20 seconds
In his distinction of spaces of places and spaces of flows, Manuel Castells describes Belleville as a rare identifiable place in the midst of flows: “In between home and the world, there is a place called Belleville”. The Belleville between home and the world is a temporary shelter: the neighborhood that successfully survived both the Haussmannian restructuring and the post-war urban renewal, has for generations been a gateway to Paris, France and Europe. But Belleville does not only hide and protect: the Belleville between home and the world is also a medium of intense communication with remote places. The neighborhood has one of the highest concentrations of international call shops in Europe; in the taxiphones, scattered around in the neighborhood as micro-telegraphs, conversations are linking Belleville simultaneously to all continents.
If Belleville is an extraordinary pocket of global connectedness today, it was also one in previous moments of its history. It was at the heart of the world’s first telecommunication system, Claude Chappe’s aerial Télégraphe. The ‘proto-internet, proto-taxiphone’ telegraph system, developed for rapid war-time communication and operating between 1793 and the 1840s, consisted of a succession of semaphores installed atop towers located at each others’ horizons: 6-12 kilometers = 20 seconds apart. The different positions of the semaphores referred to different letters in the alphabet: its contemporaries saw in the mechanical ballet of the semaphores’ repetitive gestures a choreography of large, artificial insects – in the service of power.
The Chappe Telegraph is a peculiar phase in the history of communication technology: while it was a pioneer of the gradual elimination of physical distance, its logic of transmission was still based on visual contact, that is, relative proximity. The arrival of Morse’s system made aerial transmission obsolete: telegraph stations came down to the earth and went underground, and Chappe’s towers gave away their hegemonic optical position in the landscape to water towers; the force of the perspective replaced by the force of gravity. This is at the feet of these water towers, at the highest point of Paris, that the Telegraph Pavilion opens: what once was the central node of Chappe’s Telegraph network, is now a monument to Belleville’s global connectedness.